DES TRACES AU PATRIMOINE
Introduction / préambule
ACT travaille depuis 2008 pour la valorisation des Mémoires, de l’Histoire et du Patrimoine des quartiers populaires de Marseille en soulignant la part interculturelle de cet ensemble. Le Musée d’Histoire de Marseille, dans le cadre de sa rénovation lancée en 2011, a désormais comme projet et mission, d’ouvrir ses collections à l’histoire contemporaine récente de 1945 à nos jours.
Cette dimension inclut logiquement un intérêt affirmé aux aspects interculturels et à la diversité culturelle de la ville et de sa composition.
C’est pour répondre à ces deux programmes, celui du MHM et celui d’ACT, que le projet des « Traces au Patrimoine » a pris naissance : croisement et mise en synergie entre valorisation et patrimonialisation, entre institutions patrimoniales et associations.
Cette dynamique tend à mettre en œuvre des pratiques professionnelles au service d’un projet dont les dimensions scientifiques et citoyennes sont complémentaires, interagissent et construisent un partenariat innovant.
Ce partenariat doit s’appuyer sur un ensemble de concepts et de pratiques solides et partagées.
Les objectifs, les objets qui sont le « cœur » de ce travail s’inscrivent donc dans un « savoir » scientifique et dans un « savoir faire » professionnel.
Les questionnements sont nés comme nous l’avons évoqué, dans le cadre des pratiques professionnelles, celles que mettent en œuvre les missions d’un Musée d’Histoire et celles d’un Centre de ressources. Ces questionnements s’appuient constamment sur l’apport et l’appui des acquis des sciences sociales et des sciences humaines. Dans ce cas, il ne s’agit pas de reposer la question : « de quoi parle-t-on ? » mais « Qu’allons-nous faire ? ».
Nous postulons que cette action en cours est une mise en questionnement et en pratique du processus de patrimonialisation axé particulièrement sur des « espaces » généralement marginaux.
Si « aujourd’hui tout est potentiellement patrimonial », tout n’est pas patrimonialisé. Et que dans cette « étonnante éclosion, de nouvelles valeurs patrimoniales depuis une trentaine d’années », des « espaces » entiers sont négligés, alors qu’ils témoignent de manière forte d’une part importante de l’histoire contemporaine.
Ces « espaces » sont de plusieurs nature et forme, matériels et immatériels, mais concernent généralement ce que nous pouvons considérer comme hybrides, non traditionnels, pouvant se rattacher à ce que nous pouvons désigner « d’interculturel ».
D’emblée une opposition indépassable semble se dessiner : comment pouvons-nous patrimonialiser ce qui est hors champ de la Culture nationale?
Face à cette apparente contradiction, en suivant le schéma donné par Jean Devallon dans Du patrimoine à la patrimonialisation, nous souhaitons suivre le processus étape par étape pour aller vers le changement de statut, la rupture :
« On voit très bien que ce qui caractérise le patrimoine matériel, vous avez une rupture dans le temps, qui fait que l’objet n’a plus le même statut. A partir de cette rupture, vous allez avoir la découverte, la connaissance, l’authentification, la déclaration, la monstration et la transmission. »
(Du patrimoine à la patrimonialisation, Jean DAVALLON, Professeur à l’Université d’Avignon, responsable de l’équipe Culture & Communication (Centre Norbert Elias) en ligne p4). Publié sur PRÉAC – Patrimoines et diversité (en ligne)
L’objet de l’action étant désigné comme « interculturel » au sens que son étrangeté vient interroger l’ensemble des cinq étapes :
- Quelle découverte ?
- Quelle connaissance ?
- Quelle authentification ?
- Quelle déclaration ?
- Quelle monstration et transmission ?
Comment en quelque sorte favoriser la « rupture » ? Ainsi l’interculturel devient un outil, un analyseur du processus de patrimonialisation.
Comme le propose en 2010 le document fondateur du GIS IPAPIC : Institutions patrimoniales et pratiques interculturelles : jalons pour un état des lieux
« La problématique interculturelle a ainsi été posée comme un outil temporaire et perfectible pour interroger, à un moment donné, une situation de complexité au sein des sociétés et entre les sociétés. Postulant que l’interculturalité est matière de dissensus plutôt que de consensus, et qu’elle est cet espace tiers, cet « entre », où le commun peut se construire à partir des diversités et des différends. »
En suivant l’ensemble des étapes nous nous attachons à tenter de franchir de manière structurée les nombreux obstacles qui se dressent sur le chemin de la construction d’un patrimoine commun à tous les citoyens.
« Les enjeux sont donc clairs. Il faut continuer de déconstruire l’anthropologie et les sciences sociales jusque dans leurs derniers recoins, leurs dernières évidences. Mais pour chaque évidence déconstruite et ayant perdu sa force et son statut de vérité, il faut tirer de la critique les moyens de reconstruire une autre représentation des faits, un autre paradigme qui tienne compte des complexités, des contradictions jusque-là ignorées ou négligées. (…) »
(GODELIER Maurice Au fondement des sociétés humaines. Ce que nous apprend l’anthropologie, Paris, Albin Michel, 2007)
Objectifs du projet
Pour contribuer au processus de patrimonialisation de la mémoire et de l’histoire des habitants et des espaces peu représentées dans les collections des équipements patrimoniaux à Marseille, il s’agira de prolonger le travail initié sur l’Ilôt Chieusse–Pasteur pour aboutir à la mise en valeur de la mémoire du lieu et de ses habitants dans le Musée d’Histoire de Marseille et de faire un travail de collecte de témoins matériels et une enquête orale pour documenter l’ensemble. Elargir l’étude pour explorer l’histoire et la mémoire de deux autres espaces urbains, anciens bidonvilles : de Bassens 15 ème arrondissement de Marseille et de la Buisserine 14 ème arrondissement de Marseille.
En analysant la démarche et le projet à chaque étape dans la perspective d’inscrire le projet dans le long terme, il faudra évaluer les conclusions et modéliser les apports pour la construction chemin faisant d’un partenariat solide et durable entre institutions et associations pour la construction d’une l’histoire commune.
Un lien étroit se fera avec les acteurs, notamment les associations travaillant dans le cadre de la politique de la ville autour des questions d’histoire et de mémoire en lien avec le programme du gouvernement « Histoire et mémoire des quartiers de la politique de la ville ».
Chaque territoire, chaque quartier a son histoire, sa spécificité. Comment peut-on repérer les objets, les mémoires, les traces qui pourraient illustrer cette histoire souvent reléguée ?
Et une fois repérés que faut-il mettre en œuvre pour mener le processus à son terme ? Comment éventuellement accompagner vers la patrimonialisation ?
En 2013 à Marseille, une démarche dans ce sens a été menée autour d’une maquette d’architecte représentant un ancien bidonville dans les quartiers nord de la ville.
La genèse du projet
Au départ il y a un la rencontre entre la volonté d’acteurs et de chercheurs pour travailler à
l’intégration à l’histoire et au patrimoine commun les traces et mémoires des quartiers
populaires de Marseille d’une part et la volonté des équipements patrimoniaux de combler
« l’absence, le manque » dans leurs collections sur l’histoire contemporaine du territoire et
notamment les quartiers populaires.
2009
– Projet collectif « Quartiers de mémoire » dont faisait partie une collecte menée par ACT
2011
– Publication du catalogue ressources culturelles et pédagogiques dans lequel est signalé le travail d’une école élémentaire autour de la mémoire d’un quartier.
2013
– Le contact est établi entre le MHM et ACT.
– Un projet se met en place pour « faire rentrer l’histoire du quartier dans le MHM.
– ACT soumet la question dans le cadre des séminaires du GIS-IPAPIC.
2014
Le GIS-IPAPIC, le MHM et ACT proposent une journée d’étude autour des questions qui se posent.